Réforme des Retraites
Quelques chiffres… et quelques propositions
PIB 2021 : 2500 milliards. 29 Millions d’actifs.
Budget de la Protection Sociale : 33,3 % du PIB soit en gros 833 Milliards,
Retraites : 13,8 % du PIB = 345 milliards,
17,2 millions de retraités.. Leurs pensions représentent 89 % de leurs revenus.
En gros, les salariés (non cadres) cotisent un quart de leur salaire brut pour leurs retraites (Sécu + Complémentaires)
Un salarié sur deux n’est plus en emploi lorsqu’il part à la retraite.
Décalage de l’âge de départ à la retraite à 64, ou 65 ans, pénibilité, régimes spéciaux, carrières longues, travail des seniors... La nouvelle réforme des retraites pierre angulaire du second quinquennat d’Emmanuel Macron, bouleverse les règles du jeu de millions de salariés seniors qui s’attendaient à partir plus tôt, mais également des générations plus jeunes qui vont devoir travailler plus longtemps. Pour les partisans de cette réforme, celle-ci est indispensable au moment où le vieillissement de la population risque de mettre en danger l’équilibre des régimes de retraite. Pour les opposants à cette réforme telle que pressentie, le projet est injuste et inefficace, surtout dans un pays où une majorité de seniors sont obligés de quitter leur emploi bien avant l’âge de la retraite.
Henri Sterdyniak pense qu’ « Un report brutal de l’âge de la retraite frapperait lourdement les salariés modestes » (Journal La Voix du Nord du 9 Janvier 2023)
« Le système des retraites n’est pas en danger financier. Les projections du COR montrent qu’avec les règles actuelles, la part des dépenses de retraite augmenterait au plus de 13,7 % du PIB à 14,5 % en 2032. Cette hausse serait facilement finançable, si le taux de chômage baisse à 5 %, par le report des cotisations chômage, sinon par une hausse progressive de 2 points des cotisations.
Des réformes de justice seraient certes nécessaires (meilleure prise en compte de la pénibilité, suppression de la décote sur les petites retraites), mais pas le report brutal de l’âge de départ que veut imposer Emmanuel Macron. Ce qui menace surtout le système, c’est la volonté du gouvernement de se plier aux diktats des instances européennes et des milieux d’affaires et de se donner l’objectif de réduire fortement les dépenses sociales. »
Le report de l’âge de départ à la retraite est-il l’unique solution ?
« Un passage brutal à un âge minimal de 65 ans frapperait lourdement les salariés modestes, ceux qui ont le plus de mal à se maintenir en emploi, ceux dont l’espérance de vie est la plus courte, dont beaucoup connaîtraient de longues périodes de précarité avant la retraite. La situation actuelle est à peu près satisfaisante : l’âge de départ à la retraite à taux plein, va de 60 ans pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans, 62 ans pour ceux qui ont commencé à 20 ans, à 65 ans pour ceux qui ont commencé à 23 ans, L’écart compense en partie les différences d’espérance de vie.
Il faudrait cependant mieux tenir compte de la pénibilité et permettre un départ à taux plein aux chômeurs de longue durée, de plus de 58 ans, sans espoir de retrouver un emploi. En contrepartie, il faudra accepter une hausse légère mais régulière des taux de cotisations. Par contre, il faut maintenir l’objectif : "le niveau de vie des retraités doit être le même que celui des personnes d’âge actif" et donc ne pas tabler sur une forte baisse du niveau des pensions par rapport à celui des salaires. »
Le taux d’activité des seniors reste faible en France. Comment résoudre ce problème ?
Les actifs partent à la retraite plus tôt en France que dans les autres pays européens. Cela peut être vu comme un choix social, permettre à chacun de jouir d’une période de retraite en bonne santé, choix que l’on peut maintenir si on accepte une certaine hausse des taux de cotisation. Cela résulte aussi d’une particularité regrettable : les salariés français sont, en Europe, ceux qui se plaignent le plus de leurs conditions de travail, d’une hiérarchie trop pesante, du manque d’intérêt de leur travail. De plus, les entreprises refusent d’embaucher des plus de 50 ans et souhaitent souvent se débarrasser des travailleurs seniors accusés de coûter trop cher.
Il faudrait donc, sur le modèle de certains pays nordiques, que la question de l’emploi des seniors soit abordée dans les négociations sociales, que les entreprises organisent des carrières allant jusqu’à l’âge de la retraite à taux plein (en formant et en reconvertissant les salariés), et, plus fondamentalement, que les conditions de travail soient améliorées, que les salariés participent aux décisions de l’entreprise, bref, qu’ils soient heureux au travail. Dans ces conditions, le report de l’âge de départ à la retraite se ferait progressivement et serait volontaire. »
Contre-propositions d’urgence :
1) La création de 2 ou 3 millions d’emplois nouveaux, par entre autres le passage à la semaine de 32h sur 4 jours, qui pourraient rapporter entre 12 et 18 milliards par an aux caisses de retraites.
Selon Pierre LARROUTUROU :
« - 1) Un vrai Pacte climat, qu’on propose avec Jean JOUZEL, pour isoler les habitations, développer le renouvelable, etc. : On créerait 900.000 emplois.
- 2) L’autre proposition c’est d’aller vers la semaine de quatre jours. Semaine de quatre jours, sans baisser les salaires avec l’idée de créer des emplois, et donc diminuer les cotisations chômage. On estime qu’avec un mouvement général, on pourrait créer 1,6 million d’emplois.
Rien qu’avec ces deux idées, on peut créer 2,5 millions d’emplois, soit autant de personnes qui retrouvent un salaire et qui cotisent pour les caisses de retraite.
Aux Etats-Unis, l’ancien ministre de Bill CLINTON, Robert REICH a montré qu’en 30 ans, on a produit 80 % de plus avec 30 % de travail en moins grâce aux robots et à l’éducation. Ce n’est cependant pas la fin du travail : on a besoin de soignants, d’agriculteurs, mais il y a besoin de moins de travail. Donc :
- soit on laisse 30 % de gens au chômage (et le chômage fait 15.000 morts par an),
- soit on est capable de se dire qu’on va partager le temps de travail de manière plus agréable.
En 2023, le Français à temps complet travaille toujours 38,5 heures par semaine en moyenne. On est dans un moment où il reste un chômage de masse, et en même temps des secteurs ont du mal à recruter, comme dans la restauration parce que les gens ne veulent plus finir à une heure du matin cinq jours par semaine. Dans les entreprises qui sont déjà passées à la semaine de quatre jours, l’absentéisme a reculé. En termes de qualité de vie, c’est bon pour l’équilibre et la santé car ça laisse du temps pour faire du sport ou du tourisme par exemple. »
La création d’emplois nouveaux rapporterait suffisamment d’argent, sans prolongation de la durée de cotisation, sans modification de l’âge de départ à la retraite et sans toucher aux taux de cotisations sociales.
⇒ Exemple : 2 Millions d’emplois à 2000€ brut rapporteraient 12 Milliards chaque année aux Caisses de Retraites (Sécu + Complémentaires). 3 millions d’emplois nouveaux rapporteraient 18 Milliards. Cela soulagerait les Caisses de Chômage, rendrait inutiles les exonérations fiscales et renflouerait d’autant le Budget de l’État : 50 Milliards d’exonérations + 50 milliards de coût du Chômage Longue Durée = 100 milliards de dépenses sociales en moins, pouvant être affectés aux Services Publics, à la Transition Ecologique et à l’action climatique !
- 2) L’instauration d’une « Sécurité Economique » qui consisterait en une mutualisation, par cotisation obligatoire, d’une partie de la Valeur Ajoutée des entreprises.
En contrepartie, le reversement mensuel automatique et immédiat d’une allocation égalitaire du montant d’un SMIC « superbrut » pour chaque emploi, à TOUTES les entreprises et à tous les indépendants. Cela garantirait leur stabilité financière, tout en opérant un transfert financier des entreprises des secteurs économiques les plus rentables, les plus « bancables » vers celles qui, tout en étant socialement, économiquement et écologiquement très importantes, voire indispensables, sont structurellement en difficulté ou en fragilité.
Ce principe de « dé-marchandisation » et de mutualisation d’une part de la richesse et de sa redistribution par répartition est exactement celui de la Sécurité Sociale qui a si bien réussi pour les individus, pour la Santé publique et pour la cohésion sociale, serait ainsi appliqué aux Entreprises et à l’Economie.
Les entreprises s’entr’aideraient ainsi elles-mêmes et l’argent public ne servirait plus à venir au secours du secteur privé (par des exonérations de « charges » et fiscales) mais pourrait être uniquement consacré aux services publics. Une Caisse de Sécurité Economique Inter-Entreprises indépendante de l’État gérerait le dispositif.
La formation des profits (dont les dividendes) continuerait à se faire sur la part non mutualisée (comme actuellement pour la Sécurité Sociale).
⇒ Une économie, un pays, une nation est un tout et il est naturel que son équilibre, sa résilience et sa pérennité impliquent une solidarité de ses composantes censées être complémentaires.
A quoi pourrait s’ajouter, en complément (si pas suffisamment d’emplois créés) une taxation supplémentaire des gros profits. Un premier partage de la richesse est opéré à la source, dans les entreprises, entre salaires et dividendes. Un deuxième partage peut être fait sans spolier les actionnaires.
- a) en commençant par supprimer les lourdes baisses d’impôt des entreprises accordées par MACRON.
En 2023-2024 encore suppression de 8 milliards de recettes budgétaires annuelles venant des entreprises - b) en ne revalorisant pas les retraites des plus riches, qui eux sont partis à la retraite à 60 ans
- c) en n’appliquant la réforme qu’aux CSP+ et aux plus aisés, qui vivent plus longtemps
- d) en imposant à 50 % l’enrichissement exceptionnel des 500 plus grandes fortunes de France qui, comme le rappelle Thomas PIKETTY dans une récente tribune, sont passées de 200 milliards à 1 000 milliards d’euros en l’espace de 10 ans. Ceci rapporterait 400 milliards d’euros à l’État
- e) en taxant partiellement les superdividendes records du CAC40 en 2022 (+ 80 milliards d’euros).
Une mesure symbolique pourrait aussi, sans frais, être adoptée : le remplacement, sur les fiches de paie, de la fiction des cotisations « salariales » et des cotisations « dites patronales » par une seule cotisation globale DE L’ENTREPRISE sur sa Valeur Ajoutée répartie au prorata du salaire de chacun (car en fait ce ne sont pas les patrons ou les actionnaires qui cotisent pour vous avec leurs revenus mais bien les entreprises dans lesquelles vous travaillez, avec la richesse que vous créez par votre travail)
Albert CAMUS a écrit au début de l’Homme révolté :
« Qu’est-ce qu’un homme révolté ? Un homme qui dit non.
Il signifie, par exemple, « les choses ont trop duré », « jusque-là oui, au-delà non », « vous allez trop loin », et encore « il y a une limite que vous ne franchirez pas » […]
Il démontre, avec entêtement, qu’il y a en lui quelque chose qui « vaut la peine de... »,
qui demande qu’on y prenne garde. »
Et c’est bien ce qui se produit en ce moment : « 63, 64 ou 65 ans, si ce n’est pas plutôt en fait 67 ans : c’est trop, c’est NON ! »
Avant même tout calcul rationnel conscient, démographique, statistique, financier, c’est un sentiment qui s’exprime là spontanément : sentiment d’une injustice flagrante, en ce qu’un effort conséquent est demandé aux plus usés à partir de 50 ans, aux moins bien payés, alors même que les plus riches, dont l’espérance de vie en bonne santé est sans commune mesure avec « ceux d’en bas », n’ont cessé de s’enrichir.
Dans ces conditions la réforme revient à faire travailler plus les salariés aux conditions de travail les plus difficiles, dont l’espérance de vie recule ou même stagne, pour financer les retraites de cadres futurs nonagénaires.
Parallèlement, le fort mouvement de refus de la réforme macronienne traduit aussi une profonde évolution de l’attitude vis à vis du travail et vis à vis de ses finalités :
⇒ Pendant les 30 « glorieuses », depuis la Libération, la souffrance au travail était plus facilement acceptée en échange de la garantie d’un salaire régulier, d’une bonne protection sociale notamment d’une retraite décente, d’un accès à un logement plus confortable (suite à la crise du logement consécutive à la guerre et à l’exode rural), qu’il soit locatif ou en propriété et à une consommation plus importante.
⇒ A partir de 1968 une contestation de ce modèle s’est exprimée et s’est développée mais, à partir des années 80 et jusqu’au milieu des années 2000, la démesure dans la course aux profits s’est imposée à l’économie dans le cadre d’une mondialisation accrue, transférant en partie les dégâts du travail sur le Tiers Monde grâce à l’échange inégal qui se maintient depuis la colonisation. Cette démesure a culminé dans la crise financière de 2008.
⇒ Après un demi-siècle (années 70-2020) de ce modèle, cette crise et le confinement imposé par le COVID ont provoqué une réelle rupture : une page semble s’être tournée. La qualité et l’utilité des produits et services, leur impact sur le climat, sur les ressources et donc sur la possibilité même de vivre sur notre planète ainsi que le sort fait aux populations « du SUD » sont maintenant au centre des préoccupations de la majorité à égalité AVEC la volonté de ne plus seulement survivre au travail en attendant la retraite MAIS AUSSI de travailler utilement sans s’épuiser ET ENCORE de réellement VIVRE ensuite à la retraite.
Mais une révolte ne fait pas une réforme. Celle-ci est à imaginer, à concevoir et à construire.
Ainsi, plutôt que de se limiter à dénoncer les inégalités et les énormes fortunes et à revendiquer des taxations supplémentaires pour rétablir un peu plus d’égalité, le moment n’est-il pas venu d’envisager aussi :
1) d’empêcher leur formation par un meilleur partage des richesses à la source de leur création, c’est à dire dans les entreprises ?
2) de créer beaucoup d’emplois dans la santé, l’éducation, l’écologie ?

La Sécurité Sociale et le développement des Services Publics ont ouvert la voie en dé-marchandisant et en répartissant une partie de la richesse de manière plus égalitaire, la Sécurité Economique permettrait d’aller plus loin dans ce sens mais des garanties constitutionnelles pourraient d’avérer nécessaires pour assurer la pérennité de ces avancées, qui, comme on le sait, ne seront jamais gravées dans le marbre pour l’éternité (cf. l’IVG…).
En effet, un système par capitalisation ou par points pourraient fort bien faire leur ré-apparition à la faveur d’une période de difficultés et il serait prudent de s’en prémunir.
Voir ci-dessous pour mémoire en quoi ils consistent et les dangers qu’ils représentent.
I - Le système de retraite par capitalisation :
Budget de la Protection Sociale : 33,3 % du PIB soit en gros 833 Milliards dont 345 milliards pour les Retraites.
Le montant global des cotisations retraites est immédiatement reversé en pensions et immédiatement à nouveau reversé dans l’économie par la consommation et les activités des retraités.
On peut comprendre qu’un tel pactole, qui leur échappe, fasse saliver les investisseurs financiers capitalistes : ils aimeraient bien qu’avant d’être distribué aux bénéficiaires il fasse un petit tour dans leurs machines à faire du profit.
En effet les revenus financiers des grandes entreprises et des banques partent sur les places financières (la Bourse) ou dans l’immobilier pour refaire de l’argent. .. qui à son tour repart … sur les places financières. Et il en serait de même pour les cotisations sociales si nous avions adopté un système par capitalisation.
Ce système est vanté par ses promoteurs comme étant utile pour l’économie.
Mais seulement 10 % des transactions sur les marchés financiers servent à financer l’économie, le reste sert à la spéculation (principalement immobilière). 9 actions sur 10 ne sont que des « occasions » : elles n’ont servi qu’une seule fois à un investissement dans l’économie réelle : le jour où elles ont été émises. Ensuite elles ont été revendues, passant de main en main.
Mais acheter de plus en plus cher un même immeuble n’augmente pas le nombre de logements, tout comme acheter de plus en plus cher le même tableau ne le rend pas de plus en plus beau… et ne fait pas vivre de plus en plus de peintres, ne permet pas de créer de plus en plus de tableaux. Tout cela ne contribue qu’à alimenter une bulle financière sans rapport avec l’économie réelle.
Par ailleurs, en France, la Bourse ne finance que 40 % des besoins des entreprises (au prix d’une dépendance exorbitante vis à vis des actionnaires !)
C’est le Crédit Bancaire et les obligations qui financent les 60 % restants.
Si la Bourse ne crée pas ou presque pas de richesse nouvelle, elle sert à évaluer la valeur des actions : une action vaut d’autant plus cher qu’elle rapporte, ou promet de rapporter des dividendes élevés. Une entreprise saine, prospère, qui paie correctement ses salariés mais ne rapporte que peu ou pas de dividendes à ses actionnaires, n’intéresse pas les investisseurs, ses actions ne valent rien. Ses actionnaires ont perdu leur capital. Comment alors augmenter les dividendes ? En exploitant toujours plus le travail humain.
La différence entre l’actionnariat (la Bourse) et le Crédit bancaire est la même que celle qui existe entre l’esclavage (ou la maffia !) et le salariat :
- un esclave appartient 24h/24 à son maître qui peut lui imposer des journées de 10h, de12h, de 16h ! et la quantité de travail qu’il veut, le revendre, etc.
- une entreprise possédée par des actionnaires peut être contrainte par eux d’atteindre des objectifs de rentabilité exorbitants et cela pour une durée infinie, en fonction de leur seul désir de « faire de l’argent », non pas en fonction de l’utilité de son activité. L’actionnariat est une prédation parasitaire sur une richesse créée par un collectif de travail, exercée par des gens qui parfois ne connaissent rien de lui, de son utilité sociale, n’étant guidés que par leur désir de faire le plus d’agent possible et ayant de plus un droit absolu de vie et de mort sur lui. Avec la maffia, votre dette n’est pas ponctuelle comme avec un emprunt bancaire : elle est éternelle et peut varier dans le temps ...selon les « besoins » des maffieux
- un.e salarié.e est plus libre de choisir son emploi, a le droit de négocier son salaire, de résister, de se syndiquer, est protégé.e par un droit du travail.
- une entreprise qui est financée par du crédit bancaire ou des obligations doit seulement rembourser l’emprunt qu’elle a souscrit et payer des intérêts sur une durée déterminée, le banquier ne peut pas exiger plus et il n’est pas le propriétaire de l’entreprise.
C’est donc dans ce système de prédation que seraient enchaînées les retraites si elles passaient sous le régime de la capitalisation (et elles le cautionneraient !) : les retraités seraient transformés malgré eux en exploiteurs capitalistes forcenés ...de leurs propres enfants et petits enfants !
...à moins qu’ils ne soient ruinés par des placements « malheureux ».
Ethique absente, efficacité douteuse, nocivité assurée : voudrions nous cela ?...
II - Le système à points :
« Un euro cotisé donne lieu aux mêmes droits pour tous », ont martelé les membres du gouvernement : les annuités et les trimestres actuels auraient été remplacés par des points. La partie du salaire brut correspondant aux cotisations retraite sur la fiche de paye aurait été convertie en points. L’apparente bonne nouvelle, était qu’il n’y aurait plus eu besoin de 150 h de travail minimum payées au SMIC pour valider un trimestre. Chaque multiple de 10 € de cotisations devait faire engranger 1 point. Au moment du départ en retraite, les points accumulés tout au long de la carrière auraient été convertis en un montant de pension. Le taux de cotisation devait passer à 28,12 % pour tous, part employeur et salarié confondues. Par ailleurs, ce système devait unifier et simplifier les calculs et les montants des retraites entre les différents statuts des actifs.
Un des principes de la réforme était de prendre en considération la totalité des cotisations d’une vie pour calculer le nombre de points. Un mode de calcul défavorable aux salariés du privé dont la retraite était calculée sur la base du montant des salaires des 25 meilleures années, et plus encore pour les fonctionnaires pour qui seuls les six derniers mois comptaient. Pour se faire une idée des conséquences du régime à points : le passage en 1993 des 10 aux 25 meilleures années pour le calcul des retraites aurait fait baisser de 6 % le montant des pensions du secteur privé.
Le flou sur la façon dont devaient être comptabilisés pour la retraite les accidents du travail, les incapacités, les périodes de chômage indemnisées ou de congés parental faisait apparaître le risque de manquer de points au moment de mettre fin à son activité.
Contrairement au système par répartition, le niveau des pensions n’aurait donc pas été totalement garanti.
La CFDT et le régime à points :
Depuis le début des négociations sur la réforme des retraites, la CFDT s’est toujours prononcée pour un système universel. Ainsi, dès le début des concertations en avril 2018, la confédération a salué la démarche. A l’époque, on ignorait encore si la réforme allait pencher ou non vers un système par points. Fin mai, le gouvernement annonce que la réforme s’oriente vers un régime par points. Dans un entretien à L’Obs, en juin de la même année, le négociateur du syndicat réformiste, Frédéric SEVE, se montre favorable à une réforme du système et relègue le calcul par points à une simple mesure technique : « On s’en moque, de la retraite par points ! La manière dont on calcule les droits, ce ne sont jamais que des modalités techniques, ce n’est pas cela l’important. L’objectif de la CFDT est de bâtir un système plus juste, plus équitable, plus solide, plus solidaire ». En juillet, toujours dans L’Obs, le patron de la CFDT Laurent Berger défend le système universel et en présente les implications : « Ça veut dire un système par points, lisible pour tout le monde, avec des règles de calcul communes, mais aussi avec la possibilité de prendre en compte les spécificités professionnelles. »
Propositions de plus long terme :
Préambule :
L’économie est animée principalement par quatre motivations humaines ...profondément humaines... :
- La nécessité de satisfaire des besoins vitaux et de se prémunir contre la précarité
- Le désir de le faire avec le moins d’efforts possible
- Le désir de réaliser des choses (matérielles ou immatérielles) utiles, performantes et belles et de se réaliser si possible
- Le désir de puissance et de gloire
Il serait logique et tentant de vouloir extirper de la « nature » humaine celles de ces motivations que nous jugeons négatives mais ce serait vain tant elles sont profondément inscrites anthropologiquement et surtout ce serait contre-productif voire dangereux car si le désir de faire le moins d’efforts possible et le désir de puissance et de gloire sont à la base de l’exploitation d’autrui sous ses diverses formes, il sont aussi à la source de l’augmentation de la productivité grâce à la science, et la technologie, et de grandes réalisations utiles. Les économies dirigées et les utopies sociales qui ont voulu « forcer » cette « nature » humaine n’ont abouti qu’à des échecs.
L’évolution se fait lentement ...mais elle se fait… Sinon il y a crispation, révolte et même parfois régression…
Un des dogmes de l’économie « libérale » postule que la liberté totale des actionnaires et entrepreneurs, dans leur recherche du profit maximum, malgré les inégalités et injustices qu’elle génère inévitablement, profite en fin de compte à tous. Le vice est ainsi, selon eux, « naturellement » au service de la vertu, du bien-être et de l’intérêt général.
La réalité montre qu’il n’en est pas ainsi car l’humain présente une autre caractéristique : la tendance à la démesure, « l’hubris » des Grecs anciens, qui pousse « naturellement » la plupart des hommes à vouloir aller toujours plus loin, à en vouloir toujours plus.
Il faut donc seulement tenir la bride très serrée à cette tendance à la démesure et ne favoriser que ses expressions utiles, c’est ce à quoi servent les Lois sur le Travail, les Services Publics (via l’impôt) et les systèmes de Protection Sociale, accusés de tous les maux par les contempteurs libéraux des « prélèvements zobligatoires »...
⇒ Ni concurrence sauvage sans régulation, ni économie totalement étatisée et dirigée mais une économie largement mais seulement partiellement dé-marchandisée et socialisée, garantissant une liberté des entrepreneurs, des investisseurs, des producteurs et des consommateurs et usagers.
⇒ Un secteur privé responsabilisé et un plus large pouvoir des salariés dans la production, non seulement sur les conditions du travail et sur sa rémunération mais aussi sur ses finalités.
⇒ Un secteur public (Etat, Collectivités locales) recentré sur ses missions
Voilà qui devrait figurer dans un nouveau pacte social correspondant aux aspirations de plus en plus fortement exprimées par les populations en matière de justice et de sécurité sociales, de finalités de l’économie et d’écologie.
⇒ Mais des modifications constitutionnelles devraient en garantir la viabilité, la stabilité et la pérennité.
Trois modifications constitutionnelles pour une réforme plus ambitieuse et plus pérenne :
1) Une modification constitutionnelle visant à favoriser le développement de l’Economie Sociale et Solidaire et notamment des Sociétés à Mission par rapport aux Sociétés de Capitaux : il faut savoir que l’objet des Sociétés de Capitaux étant de maintenir et de faire fructifier un capital (quelle que soit l’activité, la production et l’utilité de la ou des entreprises créées sous ce statut), des actionnaires sont en droit de poursuivre devant la Justice un PDG qui aurait favorisé la qualité d’un produit au détriment de la rentabilité des actions, même si la santé de l’entreprise s’avérait incontestable. (cf. le sort qui a été fait au PDG de DANONE)
Or ce pilier juridique de l’économie est structurellement en opposition avec le principe de sa démarchandisation partielle.
- 2) Une représentation des travailleurs largement augmentée dans la gouvernance des entreprises et de l’économie car c’est tout de même à eux de décider quelle part de la richesse collective (du PIB) ils veulent affecter à leurs salaires, à leurs retraites, à la rémunération du capital, aux services publics et à quel âge ils souhaitent cesser de travailler pour continuer à vivre en bonne santé.
- 3) La suppression complète et définitive de l’actionnariat et son remplacement par le Crédit Bancaire , les Obligations et autres titres participatifs, dans le cadre d’un système bancaire contrôlé par la représentation politique. Cela suffirait largement au financement des entreprises.
Dans un tel contexte un certain nombre d’investisseurs et de chefs d’entreprises, motivés principalement par le désir d’augmenter toujours plus les capitaux investis seraient évidemment tentés de fuir mais si ce risque est bien réel, il est limité pour trois raisons :
- 1) d’une part, la garantie d’un revenu assuré par la stabilité économique et sociale est pour certains préférable à des gains pouvant être supérieurs mais au prix des risques financiers encourus dans le cadre d’une économie moins régulée
- 2) certains chefs d’entreprises sont d’abord motivés par le seul fait d’entreprendre et de créer des produits de qualité, utiles et durables avant d’être mus par la perspective de gains pharaoniques
- 3) enfin on peut parier qu’il y a dans notre pays assez de cerveaux brillants et soucieux de l’intérêt général pour remplacer avantageusement les « brillants » parasites ou serviteurs des parasites…