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Lettre ouverte à Sandrine ROUSSEAU et Marine TONDELIER
lundi 27 février 2023, par
Bonjour Sandrine,
Bonjour Marine,
J’ai été frappé par ta flamme, Sandrine, à La Tribune de l’Assemblée Nationale, pour défendre le "droit à la paresse".
J’ai bien compris ton intention et je l’approuve à 100% : défendre le droit au repos après une vie de travail et surtout la possibilité concrète d’en profiter réellement grâce à un âge de départ en retraite pas trop élevé.
Pourtant ta formulation m’a semblé contre-productive.
En effet, et j’aimerais me tromper, la plupart des salariés, agriculteurs ou auto-entrepreneurs dont les revenus sont modestes, surtout s’ils sont jeunes, ne souhaitent pas tant un droit à travailler peu qu’un travail non précaire, correctement rémunéré, et effectué dans des conditions décentes.
De plus, le terme "paresse", malgré ta référence à Paul LAFARGUE est du pain béni pour le patronat le plus réactionnaire et les actionnaires les plus avides qui, grâce aux grands média en leur possession l’opposent hypocritement au courage de ceux qui se lèvent tôt, à la "valeur travail" (qu’ils rémunèrent si mal !), au bon sens qui commande de travailler plus et en font une revendication de surdiplômés qui peuvent se permettent de travailler moins, d’être "paresseux".
Ce terme présente l’inconvénient supplémentaire d’opposer le travail à l’oisiveté, sans souligner la nature du travail dont il faut effectivement réduire la durée. Comme si le travail était un tout indifférencié et négatif (pénibilité, manque de sens, subordination, etc...) dont la seule compensation envisageable serait symétriquement la paresse, l’oisiveté.
Et de surcroît cela s’inscrit dans un contexte de critique conjointe par POUTINE et les islamistes intégristes, des moeurs décadentes d’un occident qui se vautre dans une richesse acquise grâce au colonialisme et qui leur permet de travailler de moins en moins.
Je sais bien que toi aussi tu luttes pour de meilleurs salaires et conditions de travail mais c’est précisément la raison pour laquelle il aurait mieux valu mettre cela en avant dans ton discours.
D’autant plus que de meilleurs salaires renfloueraient automatiquement les caisses de retraite (et de la Sécu en général).
Ce qui n’empêcherait pas de réduire parallèlement le temps de travail et l’âge de départ à la retraite pour les professions les plus pénibles tout en le ramenant à 60 ans pour tous.
De mon point de vue, la réponse la plus efficace à la situation actuelle serait d’augmenter significativement le pouvoir des travailleurs d’une part sur leur travail, son organisation, sa finalité, son utilité sociale et écologique et bien sûr, sur la hiérarchie des rémunérations au sein des entreprises, des secteurs d’activité et entre les secteurs d’activité eux-mêmes et d’autre part sur leur protection sociale.
Dans ces conditions les travailleurs seraient à même de décider d’une part quelle quantité de travail leur semblerait nécessaire de consacrer à leur rémunération directe, à leur protection sociale et aux services publics (l’Etat) et d’autre part au repos, à la culture, à la convivialité, à la citoyenneté, à l’échange de biens et de services démarchandisés, à l’oisiveté, etc...
Bref la revendication du Droit à un travail correctement rémunéré et des conditions d’exercice décentes dans un contexte de maîtrise de ses finalités par les travailleurs me semblait d’une actualité plus pressante que celle d’un droit à la paresse.
Recevez mes salutations cordiales
Pixef